Le voyageur sans voyage
Pierre Cendors
Cadex Éditions, 2008
Un livre comme une petite boîte
J’aime souvent les petits livres. Un petit livre c’est comme une petite boîte. Enfant, je me souviens que j’aimais les petites boîtes. Je sais bien ne pas être le seul dans ce cas, mais je me souviens que je les adorais avec une fascination inversement proportionnelle à la taille de la boîte. Je leur prêtais le pouvoir quasi magique d’y recéler les mille trésors amassés au cours de notre très longue existence d’enfant. Et puis elle est petite la boîte ! Elle passe inaperçue. En cela, elle correspond avec exactitude à l’idée que l’on se fait d’un cache-trésor, d’un confident des objets trouvés et précieux : ici l’ombrelle en papier et au parfum de vanille d’une glace mangée à la terrasse d’un café, là une petite voiture bancale extraite de cet œuf jaune plastique tant convoité, ici le petit caillou tout blanc qu’on n’a pas jeté dans la rivière, le caillou rescapé… Tous ces objets, pris indépendamment, paraissent d’une immense vacuité aux yeux des adultes mais ils tissent pourtant ensemble un réseau de relations et de résonances qui forment la base des souvenirs mythologiques qui ressurgiront plus tard. Beaucoup plus tard. Car…
Une petite boîte, c’est discret. Ça s’oublie. Dans une poche ou sous un lit.
Une petite boîte ça réapparaît. Ça ne s’efface jamais vraiment des souvenirs.
Le voyageur sans voyage de Pierre Cendors est un petit livre. Carré comme peuvent l’être les petites boîtes de notre enfance. Il commence sur le quai d’une gare et finit nulle part. C’est un voyage sans retour et à jamais répété du train bleu qui surgit la nuit et traverse la gare. Jamais ne s’arrête, jamais ne descendent ni ne montent des voyageurs… Mais quel est donc ce mystérieux train bleu qui revient tous les soirs et qui n’est jamais tout à fait présent, ni tout à fait fantomatique ?
Un narrateur, un enfant, une énigme mystérieuse… Quelque chose qui pourrait être de l’ordre du souvenir, ou du rêve. Mais on ne saurait dire avec discernement. Ce petit livre, il n’y a rien à redire, est une petite boîte de l’enfance, trouvée sur le quai d’une gare…
C’est un livre d’images prégnantes qui se traverse comme un rêve. A la fin — au réveil — on sait ce qu’on a vu sans pouvoir le décrire. Reste la sensation d’avoir approcher quelque chose que la réalité n’aurait pas pu révéler ou qu’on n’aurait pas su reconnaître.
Cécile Wajsbrot, préface du Voyageur sans voyage.
Voilà qui résume parfaitement l’impression rémanente qui perdure en nous lorsque nous quittons, à notre tour, le quai du livre. Pierre Cendors taille ce livre avec douceur, avec exactitude, simplicité et concentration, tant et si bien qu’en ouvrant la main je désirais ardemment y trouver mon petit caillou blanc, le rescapé.
Décidé d’en apprendre plus à son sujet, je reviens très vite vous parler de son admirable premier roman : L’homme caché paru en 2006 dans l’excellente maison d’édition Finitude.
Très bel article sur un écrivain que j’admire. Bravo. Je viens de lire « Les fragments Solander » du même Pierre Cendors: c’est un livre éblouissant. Je vous le conseille.
Bonjour,
j’ai découvert cet écrivain par hasard sur le stand des éditions Finitude. J’ai commencé avec « L’homme caché » (je prépare un article sur ce premier roman que j’ai trouvé vraiment très abouti) et évidemment je compte bien poursuivre avec les « Fragments Solander ». Content que cet article vous ait plu.
Je ne connais pas cet auteur et votre article me donne très envie de le lire
J’en suis enchanté… Je prépare mon article sur le livre suivant : l’homme caché. En attendant vous pouvez toujours lire le livre ci-dessus en ligne. Mais l’objet, ce petit livre, est si joli qu’on rate forcément une présence à ne le lire qu’en ligne…
Au plaisir de vous revoir à la croisée des chemins !